Accédez au compte-rendu du colloque "Cohérence des finances publiques au Maroc et en France" qui s'est tenu à Rabat en septembre 2011...

 
Compte-rendu Colloque Rabat 2011
 
La cohérence des finances publiques au Maroc et en France constituait le thème d’ensemble de la 5ème édition du colloque international des Finances publiques, cette manifestation étant organisée en partenariat par le ministère de l’économie et des finances marocain, et FONDAFIP-Association pour la Fondation Internationale de Finances publiques, avec le soutien du GERFIP et de la Revue Française de Finances publiques (RFFP).
 
Un objectif de cohérence est en effet essentiel pour assurer la bonne gouvernance financière. Or pour atteindre un tel objectif, il est nécessaire, comme l’a souligné Salaheddine Mezouar, Ministre de l’Economie et des Finances, de s’engager dans un processus de réformes ambitieux. ». Michel Bouvier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne Président de FONDAFIP a de son côté insisté sur l’impératif face aux changements de la société, ainsi qu’à la profondeur de la crise économique et financière mondiale, de repenser les modèles théoriques et de concevoir non pas des stratégies à court terme mais des solutions à moyen et long terme. Noureddine Bensouda, Trésorier Général du Royaume, a rappelé que des réformes en finances publiques sont entreprises au Maroc depuis quelques années déjà en sorte qu’aujourd’hui   le pays se trouve devant un processus cumulatif de réformes qui a atteint un degré de maturité tel   que l’on assiste à une réorganisation en profondeur des structures financières marocaines .
 
La première table ronde s’est très logiquement ouverte sur la globalisation de la prise de décision financière. Le Président de séance, Rachid Benmokhtar, Président de l’Observatoire National pour le Développement Humain, ancien Ministre de l’Education Nationale, a notamment souligné la nécessité de parvenir à une affectation optimale des ressources aux charges publiques en fonction des priorités nationales réelles. , ce qui entre autres exige une information de qualité. L’importance des systèmes d’information au regard de la prise de décision financière a plus particulièrement été commentée par Khalid Safir, Secrétaire général du Ministère de l’Economie et des Finances, qui a relevé à cet égard l’apport considérable des nouvelles technologies. Abdellatif Zaghnoun, Directeur Général des Impôts, a relevé en ce qui concerne la décision fiscale que de nombreux intervenants participent à son élaboration. L ’administration, les organisations internationales mais aussi des groupes de pression sont en effet parties prenantes aux débats en la matière sans toujours avoir des positions convergentes. D’où le besoin primordial à ses yeux de renforcer la concertation entre les différents acteurs tout en essayant de trouver un équilibre entre la tendance à la multiplication des régimes dérogatoires et la nécessité d’élargir l’assiette fiscale en ayant une vision intégrée des finances publiques. Raphaël Pellas, Professeur à l’Institut Supérieur du Commerce de Paris, a rappelé que la problématique de relégitimation de l’impôt est au cœur du processus de décision fiscale et qu’il s’agit de l’un des enjeux les plus fondamentaux de ces quinze dernières années. Il est donc indispensable selon lui de rationaliser le système fiscal en développant la participation des contribuables à l’élaboration de la décision fiscale..Dans le même sens, Mohamed Chafiki, directeur des études et de la Prévision Financière, a insisté sur le fait que la réflexion doit nécessairement être collective si elle veut être en mesure d’apporter des solutions pertinentes .,.
La deuxième table ronde porte était consacrée à la cohérence budgétaire. Chakib Benmoussa, Président du Conseil Economique et Social, ancien Ministre de l’Intérieur, a rappelé que la tendance générale à une certaine fragmentation des budgets publics n’est plus adaptée à notre société. Or la question de la dispersion des comptes publics continue à se poser dans chacun des trois grands secteurs financiers : les finances sociales, les finances territoriales et bien entendu les finances de l’Etat.
S’agissant de la cohérence budgétaire des finances sociales, Mohammed El Alaoui El Abdallaoui, Directeur de la Caisse Marocaine des Retraites, a indiqué que le Maroc est en pleine réflexion et s’est attaché à présenter tout particulièrement la problématique du financement de la retraite de la fonction publique.
S’agissant de la cohérence budgétaire de l’Etat territorial, Omar Azziman, Président du comité Consultatif de Régionalisation (CCR) et ancien Ministre, a observé que l’orientation actuelle vers un développement du processus de décentralisation et de régionalisation au Maroc devrait se traduire par la consécration du principe d’autonomie de gestion et le développement de l’ « Etat territorial ». Noureddine Bensouda, Trésorier général du Royaume, après une présentation de l’état des ressources des collectivités territoriales marocaines, a mis en lumière l’étroite dépendance financière de ces dernières vis-à-vis des dotations versées par l’Etat central. A cet égard il a insisté sur le besoin d’ organiser un cadre de gouvernance financière des collectivités en adéquation avec celui de l’Etat. , ainsi que d’ harmoniser les fiscalités car il s’agit du même contribuable. Daniel Canepa, Préfet de la région Ile de France, a souligné la rapidité des changements qui ont impacté les finances locales en France et plus spécifiquement la réorganisation de l’Etat territorial. Il a fallu décloisonner les services et faire interagir l’ensemble des structures, passer de l’éparpillement à l’intégration. Analysant le cas très concret de l’hébergement dans la région Ile de France, il a présenté les compétences du préfet de région, véritable coordinateur de la cohérence financière entre collectivités locales et Etat.
 S’agissant de la cohérence budgétaire de l’Etat, Marie-Christine Esclassan, Professeur à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, Secrétaire Générale de FONDAFIP, commentant la situation et les problématiques soulevées par les opérateurs de l’Etat, a relevé qu’on est passé en quelques années seulement d’une situation d’une grande opacité en la matière à une progression remarquable de l’information du Parlement, sachant que la délimitation du périmètre des opérateurs de l’Etat continue à soulever des difficultés. Elle a de même souligné la progression continue de l’encadrement des opérateurs tout au long de ces dernières années ainsi que les efforts déployés pour les intégrer dans la logique de performance poursuivie au niveau de l’Etat . Fouzi Lekjaa, Directeur du budget, a exprimé le souhait pour le Maroc que soit davantage clarifiée la place que doivent avoir les budgets des opérateurs publics par rapport au budget de l’Etat et que soit instaurée « une cohérence par niveau ». Ahmed Hajoub, Adjoint au Directeur chargé du pôle macréconomie à la Direction du Trésor et des Finances Extérieures s’est interrogé sur   l’opportunité et la faisabilité d’un budget public unique , tandis que Rodolphe Gintz, Sous-Directeur, chargé de Finances Sociales à la Direction du Budget   qui a donné des éléments de comparaison entre différents pays d’Europe à ce sujet a plaidé pour une réhabilitation de plus en plus justifiée du principe d’unité budgétaire.
 
La troisième table ronde portait sur la traduction comptable des réformes c’est-à-dire l’intégration des comptes publics. M’hamed Sagou, professeur des Universités et ancien Ministre des Finances, a relevé que l’intégration des comptes publics est un moyen efficace pour évaluer les choix budgétaires et optimiser les politiques publiques, cette perspective étant d’autant plus importante dans un contexte de crise. Vincent Mazauric, Directeur, adjoint au Directeur Général des Finances Publiques, chargé de la gestion publique, a présenté la consolidation des comptes au regard du principe de sincérité des comptes. La consolidation est un concept issu de la culture privatiste. Elle peut être mise en place de différentes façons, notamment par combinaison. Une consolidation comptable stricto sensu est difficile à mettre en œuvre, l’important étant de réaliser une consolidation exploitable.. El Hassan Eddez, Adjoint au Directeur, Chargé du Pôle Dette à la Direction du Trésor et des Finances extérieures, a cherché à définir la consolidation avant d’expliquer la façon dont elle est mise en œuvre au Maroc. Il a rappelé que le calcul de la consolidation peut différer selon la méthode choisie. Patrick Lefas, Conseiller-maître à la Cour des comptes, a décrit le mécanisme de la certification des comptes tel qu’il est mis en place en France – cette certification étant effective depuis 2006. Il a toutefois rappelé que certifier ne suffit pas et que les autres contrôles sont tout aussi importants et nécessaires. Abdellah Serhane, Secrétaire Général de la Cour des comptes du Maroc, a mis en avant les efforts à fournir s’agissant des comptes de l’Etat en matière de certification. Marie-Pierre Cordier, Conseiller-maître à la Cour des comptes, membre de l’IPSAS – Board, a présenté cette institution et rappelé qu’elle contribue à la définition d’une langue comptable commune,. Abdelkrim Guiri, Directeur de la Réglementation et de la Normalisation Comptable, Trésorerie Générale du Royaume, insiste sur la nécessité de cette harmonisation dans un système mondialisé. Vincent Dussart, Professeur à l’Université de Toulouse, a présenté les différentes comptabilités développées en France pour le budget de l’Etat : la comptabilité budgétaire, la comptabilité générale de l’Etat et la comptabilité analytique en insistant sur la mise en cohérence des comptabilités de l’Etat et des collectivités locales dans la perspective d’une analyse globalisée et consolidée des finances publiques nationales. Mohamed Cherif Tahiri, Directeur par intérim de la Comptabilité Nationale au Haut Commissariat au Plan, explique que les comptes publics doivent donner une image fidèle de la situation financière et patrimoniale de l’Etat.
 
Le colloque a été clôturé par les allocutions des présidents des Cour des comptes marocaine et française. Ahmed El Midaoui, Premier Président de la Cour des Comptes du Maroc, a insisté sur le rôle que doit jouer le politique. Il faut mener à bien l’indispensable travail de concertation entre politiques, experts, techniciens et universitaires. Didier Migaud, Premier Président de la cour des comptes française, a souligné que la cohérence comme la confiance ne se décrète pas mais qu’au contraire, elle se construit. Il faut des règles, des outils, et un équilibre des pouvoirs. Comme l’avait relevé le Professeur Michel Bouvier en introduction du colloque, il est nécessaire de remettre de l’ordre dans nos finances publiques : « l’ordre et la lumière, on ne saurait trop le répéter, sont les premières lois de la puissance des institutions qui fondent la gloire des Gouvernements et la prospérité des peuples »[1].
 
 
Compte-rendu réalisé par Alice Lachèze et Franck Waserman
 


[1] Marquis d’Audiffret, in Système financier de la France

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