Retrouvez le compte-rendu et les photos du colloque.

D'autres photos et le film à venir. 

 

Vendredi 16 septembre 2016

 

Une assistance encore plus nombreuse que les années précédentes a suivi ce 10ème colloque qui était consacré cette année au thème « Pouvoirs politiques et finances publiques : Quels enjeux au Maroc et en France ? ». Les travaux, qui se sont déroulés comme à l’habitude dans les locaux de la Trésorerie Générale du Royaume du Maroc, ont été suivis par près de 1200 personnes, 900 à Rabat, 300 dans les différentes régions marocaines grâce à la visioconférence. Un film, retraçant « 10 ans de réflexion sur les finances publiques » soit une vue rétrospective des travaux conduits depuis la première édition, a été projeté en préalable à l’ouverture du colloque.

 

Mohammed Boussaid, Ministre de l’Économie et des Finances du Royaume du Maroc, après avoir  remercié les Professeurs Michel Bouvier, Président de FONDAFIP, Directeur de la RFFP, et Marie-Christine Esclassan, Secrétaire générale de FONDAFIP, Directrice de la RFFP, ainsi que Noureddine Bensouda, Trésorier général du Royaume du Maroc, pour cette initiative pérenne en termes de coopération entre  les deux pays, a souligné que les pouvoirs politiques et les finances publiques sont intimement liés et connaissent des influences réciproques. Il a ensuite rappelé les réformes qui ont été conduites en matière de modernisation du système financier public marocain. Jean-François Girault, Ambassadeur de la République française au Maroc, qui a félicité les promoteurs du colloque, a notamment relevé que les finances publiques doivent être protégées des excès des pouvoirs politiques et qu’un équilibre doit être trouvé. Le Professeur Michel Bouvier, Président de FONDAFIP et Directeur de la RFFP, après avoir remercié l’ensemble des participants au colloque, s’est félicité des échanges qui ont eu lieu ces dix dernières années entre nos deux pays et qui participent à l’amélioration de nos systèmes financiers publics. Il a observé que les finances publiques ne doivent pas être réduites à un regard froid, uniquement comptable, mais qu’elles relèvent de considérations politiques, c’est-à-dire humaines. Noureddine Bensouda, Trésorier Général du Royaume du Maroc, a rappelé les origines de ce colloque qui repose sur la volonté de partager les expériences dans le domaine des finances étatiques, locales et sociales.

 

Noureddine Bensouda, Trésorier Général du Royaume du Maroc, a relevé dans son rapport introductif que la tendance est à s’appuyer de plus en plus sur les finances publiques pour réformer l’État. Il a articulé son propos autour de trois axes : l’apparente prééminence du pouvoir législatif dans le domaine des finances publiques, la réelle prédominance du pouvoir exécutif, la nécessité de renforcer le droit de la comptabilité publique associé à une consolidation du rôle de la Cour des comptes. Pour cette dernière il a noté son apport notable à l’analyse des finances publiques au cours de ces dernières années. Le Professeur Michel Bouvier a rappelé que les finances publiques sont un facteur essentiel de changement et une grille de lecture de ces dernières. Il a observé que nous sommes désormais au cœur d’une transition de nos sociétés confrontées à un certain nombre de défis relatifs à la globalisation déjà ancienne, et en particulier la démographie mondiale, l’automatisation qui bouleverse le travail traditionnel et le numérique en pleine expansion. Pour le Professeur Bouvier, il ressort de ce contexte une fragilisation de la souveraineté des États, une menace sur la classe politique et une remise en cause fondamentale qui doit aboutir à une refondation du politique. Si des institutions solides sont nécessaires au bon fonctionnement de nos sociétés, il convient toutefois de les repenser pour qu’elles soient à même d’en épouser la complexité.

 

Abdellatif Jouahri, Gouverneur de Bank Al-Maghrib, Ancien Ministre des Finances, a adressé ses sincères félicitations aux promoteurs de ce colloque annuel qu’il appréhende comme l’un des principaux lieux de réflexion sur les systèmes financiers publics. Abdellatif Jouahri a relevé que si des progrès considérables ont eu lieu, les incertitudes internationales de ces dernières années ont exposé le Maroc à un certain nombre de risques. Les crises peuvent néanmoins représenter des opportunités de réforme. Il est enfin revenu sur un certain nombre de défis que doit relever le Maroc, notamment la mise œuvre de la loi organique relative aux lois de finances et celle de la régionalisation avancée. Michel Bouvard, Sénateur de la Savoie, Membre de la Commission des finances du Sénat, a préalablement remercié les organisateurs du colloque pour l’avoir convié à revenir s’exprimer lors du colloque international de Rabat, six ans après sa première venue. Il a rappelé que la France était actuellement confrontée aux problèmes de la dette publique et de la rareté de l’argent public. Il est revenu sur les acquis positifs de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 comme sur ses limites. Il a enfin développé plus particulièrement les carences qui demeurent en France en matière de contrôle de l’exécution budgétaire alors même qu’il considère que la démocratie représentative demeure un bien inestimable.

 

 

Samedi 17 septembre 2016

 

Fathallah Oualalou, Ancien Ministre des Finances, Ancien Maire de Rabat, qui présidait la première table ronde « La décision financière publique : un processus complexe », a souligné l’importance pour les institutions publiques de maîtriser l’espace et le temps, et de mesurer les contraintes financières publiques et économiques. Dans ce cadre, les gouvernements effectuent des choix qui consistent notamment à poursuivre les objectifs de croissance et de développement. Laure-Alice Bouvier, Docteur en droit, Avocate au barreau de Paris, a commenté le rôle et l’influence des institutions consultatives en matière de finances publiques  et plus précisément dans le processus législatif, en distinguant l’aide indirecte à la décision financière publique, celle de la Cour des comptes et du Conseil des prélèvements obligatoires, et l’aide directe avec les attributions du Haut Conseil des finances publiques et du Conseil d’État. Mohamed Fouzi Mourji, Professeur d’Econométrie à l’Université Hassan II, a développé le rôle de la prévision dans l’orientation de la prise de décision en matière de finances publiques. Il a notamment décrit l’utilisation en ce sens des modèles économétriques. Abdelmounaïm Dilami, Professeur à l’Université Mohammed V de Rabat, Président Directeur Général du groupe Eco-Médias, s’est exprimé sur le poids de la société civile et le rôle des groupes de pression dans la décision financière au Maroc. Il a tout autant évoqué le rôle des banques et des acteurs des marchés financiers que celui des syndicats. Mohammed El Qorchi, Directeur adjoint du Département du Moyen Orient et d’Asie Centrale au Fonds Monétaire International (FMI), a abordé la question de l’influence des bailleurs de fonds sur les choix financiers publics. Il est revenu sur l’évolution du rôle du FMI, l’importance accordée par celui-ci aux règles budgétaires dans les politiques macroéconomiques et sa nouvelle approche de la surveillance financière. Laurine Garrido Ribeiro, Chef de maîtrise d'ouvrage à la Direction générale des collectivités locales, après avoir préalablement précisé qu’elle s’exprimait à titre personnel, est revenue sur les contraintes que constituent le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire pour les collectivités territoriales et expliqué que les projets de dématérialisation actuels procèdent de la volonté d’alléger les obligations qui pèsent sur elles. Mohammed Bastaoui, Président de la 2ème chambre de la Cour des comptes, a exposé les origines de l’assistance des pouvoirs publics par la Cour des comptes au Maroc. Il a présenté les instruments de la Cour et les documents mis à disposition des Assemblées. L’évaluation des politiques publiques apparaît comme une innovation importante du système financier public marocain.

 

Le Professeur Marie-Christine Esclassan, Secrétaire générale de FONDAFIP, Directrice de la RFFP, qui présidait la deuxième table ronde « Programmation, exécution des budgets publics et contrôle politique : quelles évolutions ? », a souligné l’importance de la réflexion sur les trois sujets retenus dans la mesure où ils connaissent des évolutions notables dans les dernières années.  Driss El Azami El Idrissi, Ministre délégué auprès du Ministre de l’Économie et des Finances chargé du Budget, a relevé que le Maroc a fait des progrès considérables concernant la qualité des informations financières publiques. Il est plus particulièrement revenu sur l’apport de la loi organique relative à la loi de finances de 2014 qui a contribué au renforcement et à l’amélioration de la qualité de l’information budgétaire et comptable, et à sa disponibilité. Khalid Sbiai, Député, Membre de la commission des finances et du développement économique à la Chambre des représentants, a également souligné les importantes avancées que le Maroc a réalisées sur le plan institutionnel, politique, social et économique. En ce qui concerne plus particulièrement l’amélioration de la qualité des informations il a notamment précisé que si des efforts louables ont été conduits ils demeurent en deçà des attentes des parlementaires. Vincent Mazauric, Directeur général adjoint des finances publiques, après avoir évoqué dans un premier temps les mises en jeu de la responsabilité : positives, contraignantes voire même négatives, a dans un second temps décrit la manière dont les responsabilités se partagent et se mélangent en précisant que cela ne se produisait pas toujours à bon escient. Abdelali Doumou, Député, Membre de la commission des finances et du développement économique à la Chambre des représentants, a relevé que les questions de la programmation et du contrôle de l’exécution sont étroitement liées, la qualité de la première conditionnant la réussite du second. La situation marocaine bien que calquée sur le modèle français présente une réalité différente. Carine Riou, Doctorante à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Chargée de mission à FONDAFIP, traitant de la question de savoir si le contrôle politique dans l’exécution est réel en France a noté qu’en dépit d’un renforcement des moyens associés au contrôle parlementaire de l’exécution des lois de finances, celui-ci demeure insuffisant. Elle a appelé à une consolidation de la place de la loi de règlement dans la procédure budgétaire. 

 

Thami Ghorfi, Membre du Conseil économique, social et environnemental, Président Directeur Général de ESCA - Ecole de management, qui présidait la troisième table ronde « La décision politique en finances publiques : quel avenir ? » a relevé les communications de haut niveau qui caractérisent le colloque annuel de Rabat et qui amènent à réfléchir aux manières d’améliorer nos systèmes financiers publics. Christian Martin, Conseiller maître à la Cour des comptes, Président de section, Président de la formation inter juridiction sur les finances locales, est plus particulièrement revenu sur les lois de programmation des finances introduites dans la Constitution en 2008 qui constituent un engagement fort de l’État pour le respect des normes européennes, bien que leur portée contraignante apparaisse limitée. Leur articulation avec le programme de stabilité apparaît par ailleurs bancale, car ce qui fait la force des lois de programmation c’est que le Parlement en est l’auteur. Michel Bouvard, Sénateur de la Savoie, Membre de la Commission des finances du Sénat, a traité de la constitutionnalisation des règles financières publiques. Après avoir dressé un état des lieux des dispositifs déjà existants, il est revenu sur les débats autour de l’établissement d’une règle d’or, du monopole des lois de finances en matières financière et fiscale, de la définition d’une loi de financement des collectivités territoriales et de la fusion entre la loi de finances initiale et la loi de financement de la sécurité sociale. Aziz Bouazzaoui, Directeur des ressources et du système d’information à la Trésorerie Générale du Royaume, a développé la question de la décision financière publique à l’ère du numérique. Il a notamment relevé que le développement du numérique permet la transparence, l’accessibilité et la disponibilité des services. Parmi les apports figure également l’amélioration de l’évaluation des politiques publiques et de la prise de décision financière publique. Mohammed Tawfik Mouline, Directeur Général de l’Institut Royal des Études Stratégiques, a évoqué la mondialisation et la standardisation du processus de décision politique en finances publiques, à travers notamment le cadre des finances publiques du Fonds monétaire international, celui de la Banque mondiale, ou encore celui de l’Organisation de coopération et de développement économiques. Luc Alain Vervisch, Administrateur de l'Association Finances-Gestion-Evaluation des Collectivités Territoriales (AFIGESE), s’interrogeant sur l’aide à la décision financière locale, a notamment insisté sur la nécessité de parfaire la qualité des textes juridiques et relevé l’incompréhension que suscitent les modalités de répartition en matière de péréquation financière.

 

Mohamed Berrada, Professeur des Universités, Ancien Ministre des Finances, a souligné la complexité des finances publiques caractérisées par une grande diversité d’acteurs et d’interventions dont doit tenir compte la réflexion relative à l’amélioration des systèmes financiers. Il est revenu sur l’évolution de la théorie économique, du libéralisme économique classique au renouveau des thèses libérales et leur échec après la remise en cause des doctrines interventionnistes. Il a rappelé que dans le cadre des ajustements prescrits pour le Maroc par les bailleurs de fonds dans les années 1980, le Gouvernement marocain ne disposait plus de la maîtrise de ses finances publiques. Il a noté qu’aujourd’hui ce sont les marchés qui exercent une forte pression sur les Etats et le pouvoir politique dans une société où le lien social est l’enjeu principal.

 

Le Professeur Michel Bouvier, Président de FONDAFIP, Directeur de la RFFP, a rappelé la nécessité de penser les finances publiques dans la globalité et l’interdisciplinarité. Il est revenu sur le processus de déconstruction de l’État depuis plus de trente ans et le risque de disparition du politique. Il a relevé que les finances publiques sont un élément structurant de ces évolutions.

Noureddine Bensouda, Trésorier Général du Royaume du Maroc, a relevé la qualité des travaux qui se sont tenus durant ces deux jours et il a exprimé sa vive gratitude à l’ensemble des intervenants qui y ont contribué et aux participants qui y ont assisté.

 

 

 

Compte-rendu réalisé par Carine Riou

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