Lors de la séance d’ouverture du colloque, le Professeur Michel Bouvier, Président de l’Association pour la fondation internationale de finances publiques (FONDAFIP), Directeur de la Revue française de finances publiques (RFFP), a souhaité rappeler la qualité du partenariat que FONDAFIP entretient avec l’Association de planification fiscale et financière (APFF) et de la réflexion comparative poursuivie en commun dans le domaine de la fiscalité. Il s’est félicité que le thème choisi pour 2015 soit celui de l’autonomie fiscale locale, un thème sur lequel il était précieux de comparer deux situations, celle des collectivités territoriales au sein d’un Etat unitaire décentralisé et celle des provinces au sein d’un Etat fédéral.
Maurice Mongrain, Avocat,Président-directeur général de l’Association de planification fiscale et financière, après avoir remercié les Professeurs Marie-Christine Esclassan et Michel Bouvier, FONDAFIP et la RFFP pour leur accueil et leur soutien, a situé dans une perspective historique la Constitution du Canada et les compétences et responsabilités attribuées respectivement aux provinces du Canada et au fédéral.
Dans son rapport introductif, le Professeur Michel Bouvier est revenu sur la situation de la gouvernance fiscale locale française qui, selon lui, est « en transition ». S’étant attaché à développer les nombreux enjeux auxquels elle est confrontée, il a plus particulièrement commenté deux d’entre eux, ceux qui sont liés à l’actuel essor des métropoles et ceux qui concernent le développement du numérique dont le coût supplémentaire occasionné pour les collectivités territoriales est actuellement d’environ 2% de ses dépenses.
Michel Bouvard, Sénateur de la Savoie, Vice-Président du Conseil départemental de la Savoie, qui présidait la première table-ronde intitulée « l’autonomie fiscale des collectivités territoriales en France, de la province et des municipalités au Québec : aspects comparés », a rappelé que les collectivités ne remplissaient pas qu’une fonction de services à la population mais s’inscrivaient également dans une logique d’accompagnement du développement économique territorial. Chantal Jacquier, Avocate, Présidente du comité de la Revue de planification fiscale et financière,est revenue sur les pouvoirs d’imposition attribués par la Constitution du Canada à l’ordre fédéral et à l’ordre provincial. Elle a précisé que le secteur municipal n’est pas un troisième ordre de gouvernement, les pouvoirs de taxation foncière étant délégués par la province de Québec aux municipalités locales et aux commissions scolaires. Elle a enfin observé que le Québec a toujours voulu préserver son autonomie fiscale. Alexandre Dumont, Doctorant à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Chargé de mission à FONDAFIP, a qualifié de « complexe » la relation qui unit l’État en France et ses collectivités territoriales. Il est plus particulièrement revenu sur la réforme de la taxe professionnelle en 2010 en soulignant l’inégalité qui en ressort dans la répartition des ressources locales et en observant les conséquences inattendues des mesures précédentes sur celles-ci. Stéphane Leblanc, Président sortant du conseil d’administration de l’APFF, Associé, Service de fiscalité – Ernst & Young s.r.l./s.e.n.c.r.l., a expliqué le fonctionnement de l’imposition des entreprises au Québec par le fédéral et par la province de Québec. Il a souligné les avantages et les désavantages de l’autonomie fiscale québécoise sur les plans législatif, administratif et judiciaire. Pierre Delisle, Avocat, Associé conseil – BCF s.e.n.c.r.l. – Québec, est revenu sur les relations fiscales entre les municipalités du Québec et les gouvernements du Québec et du Canada. Il a évoqué notamment les partenariats fiscaux entre le secteur municipal et le gouvernement du Québec. Il a souligné qu’au Québec la taxe foncière générale, imposée par les municipalités locales, est fondée sur une valeur triennale et que son taux varie selon les catégories d’immeubles. Il a rappelé que la capacité des pouvoirs publics à répondre aux aspirations des populations passe par une fiscalité autonome et vivante.
René Dosière, Député de l’Aisne, Vice-Président du groupe d’amitié France-Québec, qui présidait la deuxième table ronde « les nouveaux enjeux fiscaux des collectivités territoriales en France, de la province et des municipalités au Québec : aspects comparés », a plus particulièrement souligné, à titre de comparaison avec la France, l’actualisation triennale des valeurs foncières au Québec. Il a également rappelé qu’il existe en France un système à deux niveaux dont ressort une certaine »irresponsabilité fiscale » et mis en avant les paradoxes du système français. Marc Wolf, Maire honoraire de Mons en Barœul, a souligné que l’autonomie fiscale et la responsabilité vont de pair. En ce sens, il a rappelé le rôle central du ministère des finances et regretté le double mouvement de « démission locale » et de « tradition colbertiste ». Selon lui les principaux leviers pour les décideurs sont notamment les liens qui unissent les libertés fondamentales et la fiscalité. Marie-Christine Bernard-Gélabert, Administratrice à la Mairie de Paris, qui a décrit la commune comme un niveau fondateur en France a rappelé qu’une rationalisation politiquement acceptable selon ses termes était intervenue à partir des années 199 via la création des intercommunalités, au détriment des anciennes fusions. L’intercommunalité a désormais changé de nature et elle est devenue la référence de droit commun. Jean-Pierre Vidal, Professeur à HEC Montréal, s’est interrogé sur l’opportunité d’envisager un pacte fiscal entre juridictions, en raison de la concurrence fiscale actuelle portant notamment sur les crédits d’impôt remboursables qui modifient le coût du travail des entreprises dans des secteurs particuliers et créent des distorsions à l’échelle mondiale. La concurrence fiscale place le gouvernement du Québec face au dilemme de maintenir ou non certains incitatifs fiscaux. Marwah Rizqy, Professeur au département de fiscalité à l’Université de Sherbrooke, a traité de l’impact de l’économie numérique sur la fiscalité de la province de Québec et des municipalités au Québec, en insistant plus particulièrement sur les difficultés que l’économie numérique soulève vis-à-vis du commerce de détail. Il importe désormais d’agir, de trouver des solutions fiscales communes en matière de perception des taxes de vente et d’impôts sur les opérations en ligne et hors ligne du commerce électronique.
Le Professeur Marie-Christine Esclassan, Secrétaire-générale de FONDAFIP, Directrice de la RFFP, qui présidait la troisième séance « quelle autonomie fiscale demain en France et au Québec ? », s’est plus particulièrement interrogée sur le sens de cette problématique dans le contexte actuel. Le Professeur Luc Godbout, Titulaire de la Chaire de recherche en fiscalité et finances publiques de l’Université de Sherbrooke, a présenté les perspectives de la fiscalité des entreprises au Québec. Il a dans un premier temps décrit la situation actuelle, en soulignant notamment que l’évolution du taux d’imposition combiné (fédéral-Québec) sur le revenu des sociétés s’inscrit dans la mouvance de l’OCDE. Il a dans un second temps évoqué la réforme « à coût nul » proposée par la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise. Olivier Fouquet, Conseiller d’État honoraire, a souligné le double rapport de l’impôt local qui est d’abord envisagé comme une contrepartie par la collectivité, et alors-même qu’il rend possible la production d’une certaine richesse. Les élus locaux étant au cœur d’un nouveau projet de société sont désormais appelés à faire des choix dans le cadre de l’élaboration d’un nouveau contrat social.
Compte-rendu, film et photos réalisés par François Bonneville, Alexandre Dumont, Marine Kociemba, Laurine Ribeiro et Carine Riou.
https://www.youtube.com/watch?v=jZ75EuVxPKA