La première table ronde, présidée par le Professeur Jean-Pierre Chevalier, a porté surl’actualité des aides au développement local.
L’introduction historique du Doyen Eric Gojosso a permis de dresser les grandes séquences de l’évolution de ces aides en parallèle à l’organisation centralisatrice progressivement infléchie. Le Professeur Gojosso a distingué quatre étapes majeures :
-De 1793 à 1870, la centralisation et le libéralisme font de l’Etat un acteur décisif. Sous la seule impulsion de Paris, certains domaines vont se voir privilégiés.
-Puis, de la défaite de 1870 et sous la IIIème République, malgré le dynamisme et le désenclavement des collectivités locales, celles-ci ne disposent pas de marges importantes, en raison notamment de l’accroissement des dépenses obligatoires, et ne peuvent s’engager dans des activités qui entraveraient la liberté du commerce.
-Avec la Première Guerre mondiale et l’entre-deux-guerres, si l’Etat prend pied de manière durable via la construction des régions détruites, les conséquences de la crise financière de 1929 et les aides financières à des compagnies aériennes, maritimes, il est néanmoins admis que les communes et les départements ont assumé l’effort de guerre.
-Après la Seconde Guerre mondiale, l’Etat devient un stimulateur où des politiques d’aménagement du territoire sont instituées et l’interventionnisme local s’impose progressivement.
Le Professeur Marie-Christine Esclassan a souligné l’actualité de la question des aides au développement ainsi que l’enjeu de cette question. Elle a posé le problème de l’hétérogénéité du cadre des aides au développement économique local. La critique porte d’une part sur le foisonnement des acteurs et la juxtaposition des dispositifs, et d’autre part, sur l’absence d’approche commune des concepts. Les aides au développement économique local évoluent au milieu de tensions permanentes entre centralisation et décentralisation, posant les questions du niveau local pertinent et de la clause de compétences. Plus précisément, le Professeur Esclassan a insisté sur le changement constaté entre les lois de 1982, où une rupture est amorcée en légiférant sur les aides au développement économique, dans un contexte de décentralisation juridique et économique, et celles de 2002 et 2004, caractérisées par le renforcement du rôle de coordination de la région ainsi que le retour de l’Etat, dans un contexte communautaire complexe et rigide.
Au cours de la deuxième table ronde portant sur les instruments du développement local, Stéphane Thébault, Maître de conférences, a abordé la question des modes de financement nationaux et communautaire, c'est à dire les aides financières européennes, celles de l'Etat ainsi que celles des collectivités territoriales. Il a notamment insisté sur la complexité de ce système de financement, y voyant une complexité juridique dans l'imbrication des règles communautaires et internes s'agissant de la fixation du régime de ces aides, une complexité administrative en raison de la multiplicité des acteurs et des intervenants dans l'offre, l'instruction, la décision, le suivi et le paiement des aides au niveau local et, enfin, une complexité financière qui s'explique par la triple origine financière des aides au niveau local.
Il a d'abord présenté le financement par les fonds structurels européens et le partage de leur gestion au niveau local entre le préfet et la région. Ensuite, il a exposé le dispositif d'aides qui peuvent être accordées par les collectivités et leurs groupements. Sur ce dernier point, il a notamment insisté sur le caractère complexe et juxtaposé des aides des collectivités, en raison de la compétence de principe de la région et de la compétence à la fois subsidiaire et complémentaire des autres niveaux de collectivités.
Deux autres instruments du développement local ont fait l’objet d’un approfondissement particulier :
Tout d’abord, s’agissant des aspects fiscaux des aides au développement local, André Barilari, Inspecteur général des finances, a exposé trois difficultés autour du dispositif des zones franches urbaines.
-L’objet des politiques de zones franches urbaines est de porter essentiellement sur le développement local. Néanmoins, la nature des moyens engagés a généré un débat idéologique, le choix portant sur un système d’exonération fiscale ou sur le développement des investissements publics.
-L’évaluation de l’impact coût/avantage est difficile à réaliser en l’absence d’outils statistiques adaptés au zonage. De plus, des questions conceptuelles tournent autour de trois éléments : les transferts d’activités, les dommages collatéraux et la durabilité.
-L’effet des zones franches urbaines demeure assez inégal, mais ce dispositif coûteux est avant tout ressenti de la part des acteurs locaux comme un défibrillateur.
Puis, le Professeur Claudie Boiteau de l’Université de Poitiers a souligné les enjeux d’un instrument contemporain du développement local, les Partenariats Public – Privé (PPP). Il s’agit d’un mode de financement pour les investissements indispensables à la compétitivité et non d’une aide au développement. Ayant un impact direct sur la croissance nationale, ils deviennent nécessaires au plan de relance actuel. De plus, ils ont pour avantage de conduire les collectivités territoriales à adopter une culture d’évaluation essentielle à la performance énoncée par la LOLF. Pour autant, le Professeur Claudie Boiteau a insisté sur l’importance pour les collectivités territoriales de faire un usage modéré et rigoureux de cette optimisation financière. Ainsi, est posé le caractère déterminant d’une évaluation et d’une ingénierie de projet qui n’est pas toujours à la portée de l’ensemble des collectivités territoriales. Enfin, elle a précisé que le contexte de crise financière et économique génère une réduction de la « bancabilité » pouvant alors freiner les PPP.
Lors de la troisième table ronde portant sur les cadres institutionnels, le Professeur Jean-Baptiste Geffroy a exposé les enjeux du cadre communautaire des aides au développement économique local. Alors que le Traité de Lisbonne pose notamment comme objectif la réduction des aides, la crise financière et économique leur donne une impulsion supplémentaire. La Commission européenne recommande ainsi aux Etats d’y recourir et assouplit les règles communautaires. Cet assouplissement s’inscrit dans la continuité des réformes engagées précédemment. Le Professeur Jean-Baptiste Geffroy a souligné que la Commission européenne propose un schéma de quatre aides : un régime de garantie pour les institutions financières, la recapitalisation pour renforcer les fonds de ces institutions, la possibilité de liquidation contrôlée, des aides de trésorerie. Le desserrement du cadre communautaire des aides repose sur le rehaussement des aides de minimis, les régimes de garanties, les taux bonifiés et les mesures de capital investissement, mais n’induit pas pour autant une absence de contrôle. Cependant, le Professeur Geffroy a insisté sur les prévisions inquiétantes, et le souhait formulé par le G4 à la Commission européenne afin d’adopter davantage de souplesse dans le contrôle sur les aides.
L’intervention de Monique Doreau-Tranquard, Maître de conférences, a porté sur le cadre interne et a développé une critique sur la rencontre « chaotique » entre l’évolution de l’interventionnisme réformant les aides et celle des structures administratives. Madame Doreau-Tranquart a insisté, d’une part, sur l’absence d’efficacité de la typologie des aides. Les différentes adaptations circonstancielles ont abouti à un empilement juridique et une opacité pour les bénéficiaires. La régionalisation et la complexité caractérisent ainsi le système d’aide au développement économique local. D’autre part, Madame Doreau-Tranquart a souligné l’illogisme politique de la répartition des compétences qui ne permet pas de trancher sur le choix de la complémentarité ou de la compétitivité du développement économique partagé.
Amavi Kouévi, Maître de conférences, a présenté l’apport de la jurisprudence administrative et financière sur les interventions économiques des collectivités territoriales. Monsieur A. Kouévi a souligné l’importance de la contribution de cette jurisprudence dans la construction du droit des interventions économiques locales. Jusqu’en 1982, le juge avait un rôle décisif. Si dans un premier temps, le Conseil d’Etat défendait fermement le libéralisme face aux initiatives locales, par la suite, il s’est montré moins exigent et a adopté une approche finaliste. Après les lois de 1982, le juge administratif et financier a discipliné les aides publiques locales et a assuré un contrôle. Monsieur A. Kouévi a insisté sur le fait que le juge est devenu un acteur du développement économique local et surtout que le champ de la responsabilité des acteurs locaux s’est élargit.
Dans une intervention portant sur l’évaluation du dispositif français, le Président Bernard Cieutat a souligné les critiques exprimées dans un rapport de la Cour des comptes en 2007 sur le système d’aide au développement économique local. Le dispositif est jugé complexe, opaque et redondant. La région devrait pouvoir exercer son rôle de coordination mais elle manque de moyens. Ce saupoudrage et ces disparités aboutissent alors à un système inefficace et coûteux. Le Président Bernard Cieutat a insisté sur les préconisations de la Cour des comptes proposant de recentrer le dispositif d’aides sur le couple Etat et région, de réduire les régimes d’aide et de développer les évaluations, et a précisé que la situation peut s’aggraver si les décideurs n’en tiennent pas compte.
La dernière table ronde, présidée par le Professeur Michel Bouvier, a consisté en une analyse des perspectives des aides au développement économique local. Ce débat entre Messieurs Alain Claeys, Député-Maire de Poitiers, Jean-François Macaire, Président de la commission économie du Conseil régional Poitou-Charentes, Gérard Meunier, Président de la Chambre régionale des comptes Poitou-Charentes, et André Barilari, Inspecteur général des finances, était également ponctué de questions avec la salle.
Le Professeur Michel Bouvier a, dans un premier temps, interrogé les intervenants afin de savoir s’il serait judicieux de supprimer les aides au développement économique local et si des alternatives s’offraient aux collectivités territoriales ?
Monsieur Alain Claeys a souligné l’importance du choix des bons outils d’évaluation face à ce système opaque et complexe et a illustré ses propos en précisant qu’au niveau de la Communauté d’agglomération, prés de 170 dispositions permettent un accompagnement des entreprises. La démarche doit pouvoir être lisible et coordonnée avec les autres collectivités territoriales afin d’éviter la concurrence entre les territoires. Il est ainsi plus pertinent de travailler sur un environnement, la région étant un bon échelon pour la compétence économique.
Puis, Monsieur Alain Claeys a rappelé que dans le contexte de crise financière et économique, la meilleure « arme » des collectivités territoriales reste l’investissement, les aides ayant une portée très limitée. D’ailleurs, en matière de délocalisation, les aides ou la suppression de la taxe professionnelle n’ont que peu d’influences, le problème principal se posant en terme de coût du travail. Des solutions peuvent alors être envisagées au niveau européen.
Sur la question du choix des outils d’évaluation, Monsieur André Barilari a rappelé l’importance d’un consensus et d’un développement de la méthodologie.
Pour Monsieur Jean-François Macaire, le caractère incitatif des aides est très discutable.
Puis, le Président Gérard Meunier a insisté sur la difficulté de déterminer les objectifs des aides, ainsi que sur leur pilotage dans la mesure où les évaluations sont rarement faites ex ante.
Madame Monique Doreau-Tranquard a souhaité savoir comment un maire pouvait gérer cette alternative entre la coordination par la région et la suppression des aides au développement économique local.
Monsieur Alain Claeys a affirmé que l’investissement et l’aménagement du territoire ne sont pas incompatibles. L’intercommunalité peut également jouer un rôle important. De ce fait, pour Monsieur Alain Claeys, il s’agit de savoir si la compétence économique exclusive doit être confirmée à la région.
Le Professeur Etienne Douat a rappelé que les aides au développement économique local étaient descendus à 6 milliards d’euros mais au vu de la crise financière et économique, elles sont susceptibles de s’accroître. De ce fait, il a interrogé les intervenants au sujet de la Charte d’engagements réciproques.
Monsieur Jean-François Macaire a précisé que la Charte d’engagements réciproques permet de demander aux entreprises une contrepartie en matière de parité ou encore d’emploi durable. Jusqu’à présent, les chartes signées ont été respectées.
Pour Monsieur Alain Claeys, le problème de l’entreprise se pose en terme de création d’entreprises et de croissance des PME. Or sur ce deuxième point, il est souligné que les aides s’avèrent inefficaces.
Monsieur Jean-François Macaire a évoqué la difficulté d’envisager une suppression des aides pour les petites entreprises. De plus, il a insisté sur le rôle majeur de la compétitivité dans les causes de relocalisation. Ainsi, l’aide à la compétitivité doit se traduire par une amélioration des conditions du marché. Les économies territoriales ouvertes doivent se développer, notamment dans les secteurs de l’énergie ou en matière d’alimentation.
Toutefois, face au manque d’investissement, un autre mode d’intervention est envisageable via la participation de la région. Monsieur Jean-François Macaire a illustré sa proposition par l’exemple du rachat d’une plateforme de recherche de carbone par la région Poitou-Charentes. Par cette technique, il est bien précisé que la région ne se substitue pas à l’entreprise mais veille à favoriser un secteur.
Le Président Bernard Cieutat a souhaité savoir comment la région pouvait gérer le capital risque.
Monsieur Jean-François Macaire a expliqué que la région, partie prenante du projet, pouvait faire de la prévision, mais devait surtout tenir compte de la fragilité de certains secteurs (exemple : les médicaments). La région doit également respecter une certaine cohérence entre la participation prise dans une entreprise donnée et les politiques locales menées sur le territoire.
Monsieur André Barilari a fait remarquer que cette démarche de la région est différente de celle de l’Etat qui, au contraire, souhaite dissocier « l’Etat actionnaire » de « l’Etat porteur ».
Toutefois, Monsieur Jean-François Macaire a tenu à insister sur le fait que l’objectif de la région n’était pas de détenir un portefeuille d’action mais de soutenir les industriels.
Le Président Gérard Meunier a alors fait remarquer que la Chambre régionale des comptes détenait un rôle d’observateur face à ce mécanisme de participation.
Enfin, Monsieur Jean-François Macaire a ajouté que dans le cas de certaines grandes entreprises dont les centres de décisions sont éloignés en raison du caractère international du capital, la région n’avait aucune marge de manœuvre.
Compte rendu par Laurence Tartour, ALER à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne