Ce colloque franco-italien de 2009 a été ouvert par Stephano Canestrati, doyen de la Faculté de droit de Bologne, Guilio Illuminati, Chercheur à l’Académie des sciences, Adriano Di Pietro, Professeur de Droit fiscal à la Faculté de droit de Bologne et Michel Bouvier, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
L’ouverture de ces travaux a permis de souligner la nécessité actuelle de dépasser la vision nationale de nos systèmes financiers publics respectifs afin de confronter ces derniers aux évolutions qui sont à l’œuvre à l’échelle européenne.
L’introduction des travaux a également contribué à mettre en lumière l’importance de la dimension financière et fiscale dans la construction de l’État moderne. Dans ce prolongement, les partenaires italiens et français s’accordent sur la nécessité de repenser le système financier public pour tenter de répondre à la crise financière qui déploie ses effets de manière systémique.
La première table ronde a porté sur la nouvelle gouvernance financière de l’État en France et en Italie. Dans ce cadre, le Professeur Michel Bouvier a montré
l’influence des techniques du management privé sur la gestion publique. Il a mis en évidence les évolutions conceptuelles qui se sont produites aux Etats Unis depuis le début du siècle dernier et qui ont conduit à ce que l’on a qualifié de nouvelle gestion publique. Après avoir rappelé les nombreuses commissions qui ont proposé la mise en place d’une culture de la performance au sein du secteur public au cours de la première moitié du 20ème siècle, , il a ensuite souligné l’actualité du Planing Programming Budgeting System appliqué aux USA dans les années 1960 ainsi que la Rationalisation des choix budgétaires qui fut mise en oeuvre en France un peu plus tard. Le Professeur Bouvier a aussi montré que la réforme des finances publiques constituait actuellement un phénomène international qui concernait les Etats développés comme les Etats en développement ou émergents. Il a également mis en évidence les caractères essentiels de la réforme budgétaire française tant au niveau local que national. Enfin il a présenté un parallèle entre les solutions apportées à la crise de la fin des années 70 et celle pouvant être proposées aujourd’hui, soulignant que les finances publiques ainsi que l’Etat de ce début du 21ème siècle ne ressemblaient en rien à ce qui existait alors.
Le Professeur Adriano Di Pietro a situé son intervention dans le contexte de la révision constitutionnelle en préparation en Italie. Il a indiqué que la réforme de l’État en Italie va conditionner la réforme des finances publiques notamment par une forte redistribution des ressources et des charges de l’État en faveur des régions.
Marie-Christine Esclassan, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Secrétaire générale de Fondafip, a traité de la réforme des administrations financières dans le système français. Le Professeur Marie-Christine Esclassan a développé une analyse autour des grands axes suivants : la réforme des structures qui, avec la fusion récente de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique marque une rupture avec la longue tradition française de morcellement des administrations financières ; l’évolution des méthodes avec en particulier l’introduction depuis plusieurs années d’une logique d’objectifs et de résultats ; les mutations du cadre juridique avec notamment en matière fiscale un recul de l’action unilatérale et une progression de la logique contractuelle.
Le Professeur Fabrizia Lapecorella, Directrice du département des politiques fiscales au Ministère de l’Économie et des Finances, a présenté le modèle italien des administrations financières. Organisé en agences, ce système est actuellement mis en œuvre depuis 8 ans en Italie. Elle a également abordé la question du sens que revêtent le contrôle et le pilotage opérés par le ministère sur les agences et a indiqué que l’Italie s’oriente vers l’adoption du modèle français de nomenclature budgétaire organisé en missions et programmes.
La deuxième table ronde de la matinée, présidée par Roberta Rinaldi, Professeur à l’Université de Bologne, a été consacrée à la distribution des pouvoirs financiers en France et en Italie.
William Gilles, Maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Chargé de mission à Fondafip, a axé son intervention sur les grands enjeux relatifs à l’articulation entre les différents sous-systèmes financiers publics. Après avoir traité du contexte dans lequel ont émergé les trois sous-systèmes financiers publics, il a expliqué le processus de complexification croissante du système dans son ensemble. Il a souligné l’importance d’assurer une meilleure cohérence du système financier public en analysant les dispositifs visant à répondre à ces objectifs, tant du point de vue institutionnel qu’à travers la mise en place d’une consolidation des états financiers publics.
La question des pouvoirs financiers du Parlement a fait l’objet d’une approche comparée entre les systèmes financiers français et italien. Le Professeur Girolamo Scuillo, Directeur du département des sciences juridiques à l’Université de Bologne, a présenté les spécificités du système italien et notamment la possibilité pour le Gouvernement de poser la question de confiance en engageant sa responsabilité sur des articles de la loi de finances. De même, le contenu de ce texte a été recentré sur des dispositifs techniques. Ces différentes mesures visent à mieux encadrer le droit d’amendement des parlementaires qui jusqu’à présent était parfois utilisé abondamment.
Irène Bouhadana, Maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Chargée de mission à Fondafip, a exposé les particularités du modèle français. Elle a analysé les grandes évolutions issues de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF) et de la révision de la Constitution du 23 juillet 2008 pour montrer comment ces réformes visent à renforcer les pouvoirs financiers du Parlement tant en matière de préparation (mise en place d’un débat d’orientation budgétaire et d’un débat sur les prélèvements obligatoires) et d’adoption de la loi de finances (renouveau du droit d’amendement des parlementaires en matière financière) qu’en ce qui concerne le contrôle et l’évaluation des finances publiques, avec par exemple la création de la mission de l’évaluation et de contrôle (MEC).
La troisième table ronde de ce colloque, a porté sur les normes et le contrôle de régularité en France et en Italie. Deux grands thèmes y ont été abordés.
D’une part, Stéphane Thebault, Maître de conférences à l’Université de Bourgogne, Chargé de mission à Fondafip, et Andrea Morone, Professeur à l’Université de Bologne, ont analysé les principes budgétaires à portée constitutionnelle.
Stéphane Thebault est intervenu en distinguant les principes budgétaires traditionnels de ceux qui ont émergé ces dernières années. Au-delà des principes budgétaires traditionnels que sont les principes d’annualité, d’unité, d’universalité et, dans une certaine mesure du principe de spécialité, qui ont été consacrés par le Conseil constitutionnel, il a notamment relevé l’affirmation ces dernières années de nouveaux principes ou règles. On peut les appréhender non comme des règles budgétaires en tant que telles mais plus comme des principes constitutionnels à portée budgétaire. Il s’agit de la possibilité d’adopter des lois de programmation pluriannuelles, bases d’un budget pluriannuel, du principe de sincérité et de la portée que le lui a conféré le conseil constitutionnel et, enfin, de l’objectif d’équilibre des comptes publics insérés à l’article 34 de la Constitution par la réforme de juillet 2008.
Andrea Morone a axé ces propos en montrant les spécificités du système italien en soulignant toutefois que la plupart des principes budgétaires qui ont été évoqués pour la France, mais qui existent également dans d’autres systèmes comme l’Allemagne et le Royaume-Uni, se retrouvent également en Italie. Il a précisé que les principes budgétaires sont d’autant mieux appréciés qu’ils sont examinés dans un cadre plus large, et notamment au niveau constitutionnel.
D’autre part, André Barilari, Professeur associé à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Vice-Président de Fondafip, et Maxima Romano, Magistrat à la Cour des comptes, se sont intéressés à l’évolution des contrôles des finances publiques en France et en Italie.
André Barilari a axé ses travaux sur la question du référentiel du contrôle. Il a souligné l’importance de définir les contrôles par rapport aux finalités qu’ils doivent poursuivre. Le système de contrôle français de finances publiques se caractérise par une grande complexité dans la mesure où les acteurs du contrôle peuvent intervenir en poursuivant de multiples finalités, à savoir la conformité, la qualité, les résultats et l’évaluation politique des finances publiques. André Barilari a ensuite montré que le système de contrôle de finances publiques a profondément évolué en France au cours de ces dernières années. Il faut souligner par exemple la mise en place d’un comité interministériel d’audit des programmes, organisme qu’il a créé et qu’il a présidé pendant plusieurs années ; la transformation du contrôle financier en un contrôle budgétaire et comptable ministériel ; la réorientation du contrôle comptable en un contrôle partenarial et hiérarchisé ; ou encore, la généralisation de l’audit interne au sein des administrations financières, qui constitue un contrôle préalable à la certification des comptes de l’État.
Massimo Romano a, pour introduire ses propos, souligné au préalable que le peuple italien ne supporte pas le contrôle. De son côté, le législateur est partagé entre la volonté d’élaborer des lois régissant les contrôles et de l’autre, la tentation de forger des modalités de contournement. En Italie, l’impôt sur le revenu constitue la source principale des ressources publiques contrairement aux rendements de la TVA qui s’avèrent assez faibles. Diverses mesures ont donc été prises pour pallier ces insuffisances (ticket fiscal, technique de présomptions, études de secteur) pour appréhender l’univers du contribuable. Ces diverses mesures ainsi que le système de sanctions mis en place ont révélé leur inefficacité. Désormais, les sanctions ont été considérablement allégées. À l’avenir, le comportement du contribuable italien sera probablement conditionné par l’évaluation des risques auxquels il s’expose en tentant d’échapper au paiement de l’impôt.
Le colloque a été clôturé par le Professeur Adriano di Pietro et le Professeur Michel Bouvier.
Compte rendu rédigé par Irène BOUHADANA et William GILLES
Maîtres de conférence à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Chargé(e)s de mission à Fondafip