Les crises qui se sont succédé ces trente dernières années ont conduit à conclure à une nécessaire maîtrise des dépenses publiques sans passer par une augmentation des impôts. Il est estimé que celle-ci pourrait avoir des conséquences dommageables sur la consommation ou la production. Il reste qu’il est nécessaire que des services publics de qualité disposent de moyens de financement suffisants.
Cette conférence débat a pour objet de mettre en évidence la place des redevances pour service rendu dans le cadre d’une politique visant à instaurer un espace financier public soutenable et durable. Il s’agit autrement dit d’identifier comment se présente aujourd’hui le couple citoyen-contribuable / citoyen-usager, mais également comment il est susceptible de s’associer dans l’avenir.
Michel BOUVIER
Intervenants
Compte rendu :
La conférence du 30 novembre 2010 constitue le prolongement d’un groupe de recherche créé dans le cadre de FONDAFIP et portant sur les transformations des modes de financement de l’État.
Dans un contexte de raréfaction des deniers publics, le Professeur Michel Bouvier a introduit le débat en posant la question de la tarification et du sens de la notion de service public : quel doit être le financement du service public de demain ?
Emilie Moysan, allocataire-monitrice à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chargée de mission à FONDAFP, a préalablement défini les notions d’impôts, de taxes et de redevances. L’intérêt de la distinction porte sur la question de savoir si l’on se dirige vers une généralisation des services publics marchands, autrement dit vers des usagers-clients. En définitive, ces questions amènent à s’interroger sur la place de l’État au XXIème siècle. Pour répondre à ces problématiques, il convenait successivement de dresser un historique de l’évolution de la notion de redevance pour service rendu, d’en étudier l’actualité jurisprudentielle, et enfin d’en donner deux illustrations avec le service public des transports urbains et le service public de l’eau.
Dans un premier temps, le Professeur Jean-Jacques Bienvenu a établi un historique de la redevance d’occupation du domaine public et de la redevance pour service rendu, depuis le 19ème siècle jusqu’à 2005. Il ressort de son intervention que la question des redevances pour service était totalement absente des débats au 19ème siècle. Il y avait alors une assimilation entre taxe et redevance. La question de la légitimité du péage a préfiguré celle portant sur le bien fondé de la redevance. En parallèle, la problématique du financement du service public par l’usager ou uniquement par l’impôt, sur le fondement de la solidarité nationale, s’est posée.
Dans un deuxième temps, Jérôme Michel, Maître des requêtes du Conseil d’État a analysé l’évolution jurisprudentielle de la notion de redevance depuis 2005 jusqu’à aujourd’hui. Il a décrit un double mouvement: d’un côté, le principe de proportionnalité existe toujours mais l’administration peut excéder le coût du service, d’un autre côté la redevance pour service rendu et la redevance domaniale se diluent dans la notion de redevance globale.
Dans un troisième temps, Bruno Faivre d’Arcier, Professeur d’Économie des transports à l’Université Lyon 2 a illustré un mouvement vers un financement de plus en plus solidaire au travers des transports publics urbains. En effet, le découplage historique entre le tarif et le coût résulte de la prise en compte des captifs, depuis les années 1960. Puis, la segmentation de la demande a conduit à prendre davantage en compte des préoccupations sociales et environnementales. Aujourd’hui, le débat porte sur une tarification solidaire basée sur le quotient familial, établie par les Caisses d’Allocations Familiales.
Dans un quatrième temps, François Colas-Belcourt, Secrétaire général de l’Agence de l’eau Seine-Normandie, a illustré notre problématique par le financement du service public de l’eau. La loi de 1963 a reconnu la possibilité aux agences de l’eau de se financer par une redevance pour service rendu. Mais aujourd’hui, la difficulté réside dans la disparition des éléments permettant de la qualifier comme telle. La redevance pour service rendu n’est, en effet, plus calculée strictement en fonction du coût de revient mais avec des taux plafonds quantifiés sur la capacité contributive. Se pose donc la question de sa requalification.
Dans un contexte de crise économique et financière, la jurisprudence et les pouvoirs publics semblent concilier à la fois efficacité du système financier français et justice fiscale.
Compte rendu réalisé par Emilie Moysan et Carine Riou