COMPTE-RENDU : "LA GOUVERNANCE DES FINANCES LOCALES"
Le 2 mars 2013 a eu lieu au siége de la TGR à Rabat, la première conférence débat organisée conjointement par le bureau de la section FONDAFIP Maroc et l’Association des diplômés en finances publiques de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne sous l’égide de FONDAFIP avec le soutien du Groupement Européen de Recherches en Finances Publiques (GERFIP) et de la RFFP sous le thème « la gouvernance des Finances locales ».
La conférence a été ouverte par Michel Bouvier, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne et Président de FONDAFIP, et Noureddine Bensouda, membre de FONDAFIP et Trésorier Général du Royaume qui se sont réjouis de l’organisation de cette manifestation scientifique en Finances Publiques. La présidence de la conférence a été assurée par Mme Marie-Christine Esclassan, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, Secrétaire générale à FONDAFIP.
Le Professeur Michel Bouvier a d’abord souhaité remercier les organisateurs et les féliciter chaleureusement pour leur initiative. Il a ensuite rappelé quels sont les grands enjeux de la décentralisation financière aujourd’hui .
Monsieur Noureddine Bensouda, Trésorier Général du Royaume a tenu à remercier les Professeurs Michel Bouvier, Président de FONDAFIP et Marie-Christine Esclassan, Secrétaire Générale de FONDAFIP pour tous les efforts qu’ils déploient sans ménagement pour soutenir, développer et favoriser les échanges autour des Finances Publiques dans le monde et plus particulièrement en France et au Maroc.
Il a adressé ses remerciements également aux lauréats de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, aux membres de la Section FONDAFIP-Maroc et à tous les intervenants, qui ont accepté de partager leurs réflexions, leurs expériences et leurs points de vue sur cette question centrale de gouvernance des Finances locales.
Monsieur Bensouda a dressé ensuite un bilan positif de la coopération du Maroc avec FONDAFIP. En effet, celle-ci a été enclenchée par l’organisation en 2007 par l’organisation du la première édition du colloque international sur les Finances Publiques à Rabat et dont la sixième édition a été organisée l’année dernière. De ce fait, le colloque international de Rabat est devenu le rendez-vous incontournable de tous ceux qui s’intéressent aux Finances Publiques.
Cette coopération porte également, sur l’envoi, chaque année universitaire, depuis l’année 2000, de cadres de la DGI, de la TGR et de la Cour des Comptes pour poursuivre la formation délivrée dans le cadre du Master Droit et gestion des Finances Publiques à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.
La coopération avec FONDAFIP a, par ailleurs, donné lieu à la création de la Section FONDAFIP-Maroc, avec pour objectif de développer la recherche et les échanges en matière de Finances Publiques par la création de groupes de recherches composés de responsables, d’experts et de décideurs, engagés dans des travaux de réflexion sur des thématiques diverses en relation avec le domaine des Finances Publiques.
Au regard de cette perspective, Monsieur Bensouda s’est félicité du choix du thème de « la gouvernance des finances locales » retenu pour la première conférence débat au Maroc qui s’inscrit résolument dans le processus de modernisation de l’Etat en cours. Ce thème s’inscrit en premier lieu, dans le droit fil de la nouvelle Constitution du 1er juillet 2011 et des innovations majeures qu’elle comporte en ce qui concerne le nouveau partage des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire, la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales et les principes de libre administration des collectivités décentralisée, de solidarité interrégionale et de gouvernance des Finances locales.
Le premier intervenant, Monsieur El Arafi Hassan, professeur de Finances Publiques à la Faculté de Droit de Rabat Agdal, a rappelé dans un premier temps, les dispositifs législatif et financier de la bonne gouvernance financière au Maroc de la nouvelle Constitution du 1er Juillet 2011. Il a ensuite analysé la question de l’autonomie financière des collectivités territoriales à travers deux approches. La première est une approche juridique qui a permis au discutant d’analyser les principes de libre administration, de subsidiarité et de régulation. La deuxième approche est une analyse financière faisant le diagnostic des ressources propres des collectivités territoriales. Il en ressort selon Mr El Arafi que le potentiel fiscal de ces entités demeure insuffisant, que les règles de péréquation actuelles souffrent d’ambiguïté et que le recours au marché obligataire pour satisfaire leurs besoins de financement n’est pas encore opérationnel. En conclusion, M El Arafi estime que la solution passe par la mise à niveau des élus locaux, la production d’un nouveau modèle d’autorité locale et le renforcement des compétences des collectivités territoriales. Il a insisté également sur l’importance de revisiter le mécanisme de la péréquation et de garantir une adéquation entre le transfert des compétences et le transfert des fonds.
Le deuxième intervenant Monsieur Abdelghani Guezzar, Wali, Directeur des Finances locales au Ministère, de l’Intérieur a indiqué que la nouvelle gouvernance locale doit intégrer les valeurs de performance, de rationalisation, d’efficacité du processus de la dépense, d’optimisation des processus de mobilisation de ressources, transparence et de réédition des comptes. Dans ce cadre, il a pu identifier les défis à relever pour une nouvelle gouvernance des Finances locales en l’occurrence :
- Faible contribution du secteur au développement économique et social
- Un potentiel fiscal partiellement appréhendé
- Une administration territoriale insuffisamment outillée
- Un environnement juridique et réglementaire à adapter
Aussi a-t il suggéré quelles mesures pour une nouvelle gouvernance des Finances locales au Maroc ?
- La modernisation de la gestion financière passe par la modernisation de l’administration ;
- L’adaptation du cadre juridique et réglementaire régissant la gestion et le fonctionnement des collectivités territoriales ;
- Une réelle volonté pour engager et conduire les changements ;
Le troisième intervenant, Monsieur Lahcen KERS Magistrat à la cour des comptes, a pu mettre en relief l’importance et le poids des collectivités territoriales au Maroc qui représentent un enjeu financier de plus de 55 Milliards de DH dont 18 Milliards DH d’impôts et taxes transférés ou gérés par l’État.
En suite, l’intervenant a pointé les limites qui entachent le contrôle des Finances locales à savoir : la multiplicité des intervenants, le manque d’une vision intégrée au niveau de l’exercice du contrôle, la diversité des procédures et des techniques d’investigation. En outre, il a précisé que le contrôle des Finances locales est orienté vers un contrôle de régularité et de conformité que sur un contrôle axé sur l’évaluation des résultats et des performances.
Les insuffisances relevées dans la gestion des collectivités territoriales concernent la gouvernance, la programmation et la planification des opérations et la gestion des ressources communales. Ces carences, couplées aux faiblesses du dispositif du contrôle interne et au niveau des capacités managériales des collectivités territoriales et à la prédominance de la dimension politique, se traduisent souvent par des retards importants dans les prises de décisions et de l’action et, au demeurant, un service public local et des prestations médiocres.
Monsieur Kers propose le renforcement du rôle des juridictions financières en matière de contrôle des Finances locales dont l’objectif principal est l’amélioration de l’assise financière de la décentralisation et la contribution à la performance dans la gestion publique locale, surtout avec le chantier de la régionalisation avancée.
Le quatrième intervenant Monsieur Mohamed Bouchareb, Chargé de mission à FONDAFIP, a constate que les ressources propres des collectivités territoriales sont insuffisantes pour face aux exigences du développement local et national et bloque, en conséquence, le processus de la décentralisation. Il a rappelé que d’un autre côté à travers les diverses réformes engagées antérieurement , le Maroc a créé progressivement des institutions régionales, provinciales et communales qui ont l’avantage d’exister avec un capital d’expérience encore insuffisamment exploité, notamment une gouvernance fiscale locale inefficace.
Selon l’intervenant, la question se pose de savoir si, avec le projet de Régionalisation Avancée, la problématique de la mobilisation des ressources fiscales réside dans l’urgence d’une nouvelle réforme de la fiscalité locale ou dans l’engagement de tous les acteurs des entités décentralisées à repenser la gouvernance fiscale sur des critères d’efficacité et d’équité .
Il a rappelé que la mobilisation des ressources fiscales impose impérativement un arbitrage entre l’efficacité économique et l’autonomie financière des entités décentralisées. Or, ce postulat suppose des préalables d’approche méthodologique de bonne gouvernance, en l’occurrence un consensus sur le diagnostic chiffré de l’ensemble des acteurs qui interviennent dans le processus des décisions depuis leur élaboration jusqu’à leur évaluation. En effet, l’hétérogénéité, la variabilité et la diversité des sources et des hypothèses statistiques posent problème pour la gouvernance publique.
Mohammed Bouchareb a conclu que la résolution de la problématique de mobilisation des ressources fiscales réside, en priorité, dans :
- l’amélioration du management des administrations fiscales d’Etat ;
- le maintien de la gestion par la DGI des trois taxes dont elle est responsable ;
- La création d’une administration fiscale locale pour les impôts de proximité gérés par les communes ;
- la formation et la sensibilisation des acteurs de la gestion des affaires locales en Finances publiques ;
- l’évaluation du potentiel de l’économie national et local et partant du rendement prévisionnel des impôts d’Etat et local ;
- la signature d’accord de partenariat avec la DGI, la TGR et la DFL
Le cinquième intervenant Monsieur Taarik Laaziz, Inspecteur des Finances, a fait observer que durant ces dernières années, la problématique de la soutenabilité des Finances Publiques est devenue une préoccupation majeure pour les décideurs publics. En effet, le creusement des déficits budgétaires et l’aggravation de l’endettement engendrés par les crises économiques et financières, ont fait que les ressources sont devenues de moins en moins rares face à une demande sociale de plus en plus importante.
La question du développement local durable est loin d’être négligeable. L’approche de la soutenabilité des finances locales ne pourrait se limiter à la seule dimension financière. Elle est beaucoup plus économique et sociale et dans l’impact est national.
Ainsi, seule la consolidation des comptes publics permettra de doter les décideurs publics d’une vision globale de l’intervention de l’Etat et de ses moyens de financement, par voie de conséquence, de cerner la question de la soutenabilité des finances publiques.
Quelles soient locales ou étatiques, les finances devraient obéir à l’ordre qui implique une solidarité non seulement entre les personnes tant privées que publiques mais aussi entre les territoires. Ainsi, l’équilibre spatio-temporel exige à ce que la soutenabilité favorise la couverture des charges actuelles (charges de dettes) et des charges futures par les ressources futures
Le dernier intervenant Monsieur Abdelmounime El Madani, Chef de division des Finances locales et du recouvrement à la TGR, a souligné que la nouvelle gouvernance des finances locales est au cœur des lignes directrices de la bonne gouvernance arrêtées par la nouvelle Constitution de 2011 ainsi que des recommandations du rapport de la Commission Consultative sur la Régionalisation. Elle passe notamment par :
- Un nouveau cadre juridique pour la bonne gouvernance financière locale et l’adoption d’une loi organique des collectivités territoriales et la refonte des textes régissant les finances locales ;
- Le renforcement des ressources financières des collectivités territoriales par une nouvelle redistribution des ressources entre l’Etat, le renforcement du rôle de péréquation des transferts et l’assistance technique et juridique des services financiers spécialisés de l’Etat aux collectivités territoriales en matière de gestion de la fiscalité locale ;
- La mise en place d’outils de maîtrise de la programmation et de l’exécution de la dépense locale ;
- Le renforcement de la transparence et de l’information du public sur la gestion financière locale ;
- La définition légale des formes de participation des citoyens à la prise de décision au niveau territorial ;
- La mise en place des outils d’appréciation de l’efficacité et de l’efficience de la gestion des finances locales.